Conseils Ă  ceux qui osent…

Rythme effrĂ©nĂ© de la vie, travail absorbant ou Ă  l’inverse chĂ´mage au long cours, manque de temps pour construire de vraies amitiĂ©s, peur de l’autre, crainte des Ă©checs, tels sont les ingrĂ©dients de ce cocktail contemporain au goĂ»t amer et de plus en plus consommĂ© appelĂ© solitude. RĂ©vĂ©lant, en 2004, les rĂ©sultats d’une vaste enquĂŞte menĂ©e auprès de 37 000 AmĂ©ricains, Finlandais et SuĂ©dois, le magazine amĂ©ricain « Science » estimait que la solitude Ă©tait plus meurtrière que le tabac. La première multiplie en effet par 2 les risques de maladie, le second par 1,6. Dix ans plus tard, on communique certes avec la planète entière grâce au email, mais c’est tout juste si l’on se salue entre voisins et gens du quartier. Pas Ă©tonnant donc que la petite annonce soit presque devenue un rĂ©flexe de survie.

 

Compter sur le hasard c’est très bien, mais quand il se fait tirer l’oreille et qu’on se retrouve seul(e) Ă  35 ou 45 ans, le moment est venu de prendre son destin en main. Comme Sylvaine. DivorcĂ©e Ă  l’âge de 29 ans, mère d’un petit garçon, elle refuse de se laisser abattre et organise sa vie avec courage et luciditĂ©. Cette solitude qui finit par lui peser, elle la met Ă  profit pour faire le point: « Il faut d’abord aller Ă  la recherche de soi-mĂŞme avant de vouloir rencontrer d’autres gens, estime-t-elle. De par ma profession, je voyageais souvent et rencontrais pas mal de gens Ă  mon travail, dans les discothèques ou chez des amis. Le problème, c’est que je rencontrais presque toujours les mĂŞmes personnes et qu’aucune d’elles ne me plaisait. Un jour, alors que j’Ă©tais invitĂ©e Ă  un mariage, je me suis brusquement dĂ©cidĂ©e. Tous les autres Ă©taient en couple, avaient l’air heureux. Et moi, je me sentais exclue de ce bonheur. Une de mes amies passait des petites annonces depuis un an. Je me suis jetĂ©e Ă  l’eau, moi aussi. »

 

amour annonce

Souhaitant se montrer telle qu’elle est, Sylvaine publie une annonce qui sort des stĂ©rĂ©otypes. « Il me paraissait indispensable de jouer franc jeu, de prĂ©venir d’emblĂ©e que j’Ă©tais divorcĂ©e avec un enfant Ă  charge. Pourquoi perdre du temps Ă  rencontrer ceux qui n’auraient pas acceptĂ© cette situation? » Elle recevra quatorze rĂ©ponses: « Des hommes d’un niveau de vie au-dessus de la moyenne, se souvient Sylvaine, souvent des cadres. Pas tous des apollons, mais, dans l’ensemble ils semblaient sĂ©rieux. » Elle connaĂ®tra toutefois des dĂ©ceptions: les hommes mariĂ©s qui cherchent l’aventure, d’autres coincĂ©s, timides et rougissants dont elle a du mal Ă  se dĂ©barrasser, et ceux, divorcĂ©s, qui traĂ®nent des blessures d’amour et d’orgueil mal cicatrisĂ©es. « J’ai rencontrĂ© Ă  plusieurs reprises un architecte assez sympa, mais très perturbĂ© par le dĂ©part de sa femme. Il m’en parlait constamment et avait tendance Ă  me comparer Ă  elle. Ça m’a lassĂ©e et je ne l’ai plus revu. » Un autre veut la transformer de pied en cap. « A mon fils, qu’il voyait pour la première fois, il a annoncĂ© triomphalement: « Tu vas voir ce que je vais faire de ta mère. Je vais la faire maigrir, changer sa coupe et sa couleur de cheveux. Tu ne la reconnaĂ®tras plus! » Tout aussi cocasse: « J’ai rencontrĂ© un homme qui m’a racontĂ© sa vie en trois minutes puis m’a dĂ©clarĂ© que j’Ă©tais la femme idĂ©ale! » Un autre, du genre solitaire, voulait faire de Sylvaine sa « princesse du dĂ©sert ». « C’Ă©tait des hommes qui Ă©taient plus en quĂŞte d’une image que d’une femme. Ils n’Ă©taient pas du tout prĂŞts Ă  affronter la rĂ©alitĂ©. »

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Les mois passent, ponctuĂ©s de rendez-vous infructueux. Sylvaine est un peu dĂ©couragĂ©e. Un jour, elle tombe sur une annonce diffĂ©rente: « Simple, honnĂŞte… Son auteur prĂ©cisait mĂŞme l’un de ses dĂ©fauts: un peu dĂ©sordonnĂ©. Ça m’a touchĂ©e. » Sylvaine le contacte, une entrevue est fixĂ©e. « Il m’a plu au premier coup d’Ĺ“il. Nous avons discutĂ© de notre vie, de ce qu’on faisait, des gens que nous avions rencontrĂ©s en passant nos annonces respectives. Nous avons beaucoup ri. » De fil en aiguille, Sylvaine et Pierre dĂ©couvrent, comme dans un roman, qu’ils ont beaucoup d’affinitĂ©s, le mĂŞme mode de vie. Neuf mois plus tard ils sont mariĂ©s. Depuis, neuf ans ont passĂ© et ils se fĂ©licitent d’avoir tentĂ© l’expĂ©rience. Jamais ils n’ont cachĂ© Ă  leur entourage comment ils avaient fait connaissance.

 

JoĂ«lle, 30 ans de Laval, n’a pas trichĂ© non plus. « Je suis plutĂ´t bien enveloppĂ©e. Ce serait niaseux de mentir. Et puis il y a des amateurs. J’ai reçu cinquante-huit rĂ©ponses. Il y avait de tout. Des dĂ©pressifs, des divorcĂ©s, des cĂ©libataires restĂ©s accrochĂ©s aux jupons de leur mère, des types Ă©goĂŻstes Ă  la recherche d’une femme « pas compliquĂ©e ». Un terme qui me hĂ©risse le poil. Sans oublier, bien sĂ»r, les inĂ©vitables abonnĂ©s Ă  l’aventure qui s’accrochent au mot libertĂ© comme Ă  une bouĂ©e de sauvetage… » Sans se dĂ©courager, JoĂ«lle sĂ©lectionne trois candidats. « J’avais de l’affection pour le premier. Je trouvais le second Ă  mon goĂ»t physiquement et le troisième Ă©tait d’un bon niveau intellectuel. Il en fallait trois pour trouver l’homme idĂ©al. » Huit mois plus tard sur ce site, JoĂ«lle en est toujours Ă  la case dĂ©part, mais ne perd nullement espoir et embrasse ses rondeurs. « Une de mes copines a mis deux ans avant de dĂ©couvrir, via les sites de rencontres, un homme en or. Alors je persiste! »

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mettre une annonce personnelleDrĂ´le de monde que celui des petites annonces oĂą des hommes et des femmes se cherchent Ă  tâtons, un bandeau sur les yeux, avançant case par case. On y cĂ´toie des habituĂ©s et des novices, des coincĂ©s et des dragueurs, des romantiques et des cyniques. Comme ce quinquagĂ©naire très bien organisĂ© qui sĂ©lectionnait chaque annĂ©e quatre candidates au mariage qu’il approchait en douceur. Une fois sa proie ferrĂ©e, il dĂ©barquait chez elle, profitait de l’hospitalitĂ© tout en parlant mariage avant de disparaĂ®tre après une semaine ou un mois de vie commune. Une manière de s’offrir des vacances Ă  moindres frais. C’est dire si, sur le marchĂ© des âmes solitaires, l’abus de confiance est frĂ©quent. Ainsi faut-il savoir dĂ©celer, dans ce monsieur bien sous tous rapports, le tombeur Ă©goĂŻste ou le vice cachĂ© dans un message poĂ©tique. Celui qui cherche une « amie, douce, gentille, pleine de charme et de fĂ©minitĂ©, pour relation enrichissante, etc. » n’est pas nĂ©cessairement du mĂŞme acabit. La solitude aidant, une femme peut fort bien se laisser prendre Ă  ces mirages d’amour. Les « chasseurs » qui traquent leurs proies par petites annonces comptent sur cette baisse de vigilance et envoient sans complexes des rĂ©ponses copiĂ©-collĂ© Ă  leurs multiples correspondantes.

 

Conseils Ă  ceux qui osent essayer les services de rencontres

  • En rĂ©digeant votre annonce, essayez de rester vrai(e). Les petites tricheries concernant l’âge, le physique seront vite percĂ©es Ă  jour.
  • En cas de nombreuses rĂ©ponses, inutile de voir tous(tes) vos correspondants(es). Eliminez d’emblĂ©e les personnes extravagantes ou peu sĂ©rieuses. Puis faites un second tri par tĂ©lĂ©phone.
  • N’attendez pas trop pour organiser un rendez-vous. On peut se plaire intellectuellement et pas du tout physiquement. Inutile de fantasmer en vain.
  • Pour la première rencontre, choisissez un lieu public et ne vous engagez pas pour toute la soirĂ©e. Mieux vaut prĂ©voir de boire un verre avec votre correspondant(e), quitte Ă  prolonger ce moment en cas d’atomes crochus.
  • PersĂ©vĂ©rez sans vous dĂ©courager.
  • Fiez-vous Ă  votre intuition et Ă  vos Ă©motions. MĂŞme si cette rencontre n’est pas due au hasard, elle peut se transformer en coup de cĹ“ur.

 

Pour Etienne, 36 ans, mariĂ©, cadre d’entreprise Ă  MontrĂ©al, les choses se sont mises lentement en place. A 24 ans, dĂ©semparĂ© par l’amer Ă©chec d’une liaison oĂą il s’Ă©tait engagĂ© Ă  17 ans, il se retranche pendant deux ans dans un total isolement. « J’Ă©tais dĂ©goĂ»tĂ© des femmes, des sorties, des rencontres sans lendemain dans les bars. Je me suis repliĂ© sur moi-mĂŞme, concentrĂ© sur mes Ă©tudes. J’avais un hobby, les trains Ă©lectriques, qui m’aidait Ă  supporter ma solitude. » Cependant, en dĂ©pit des trains Ă©lectriques, Etienne sent un manque important dans l’existence qu’il s’est construite! « Je voulais faire entrer une femme dans ma bulle, mais je ne savais pas comment m’y prendre. J’Ă©tais très timide Ă  l’Ă©poque et la drague dans les bistrots n’Ă©tait vraiment pas mon fort. » L’idĂ©e de publier une annonce sur une platforme de rencontre a fait son chemin: « La formule me paraissait sans doute un peu trop rationnelle, mais sĂ©rieuse et rassurante. »

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Etienne n’hĂ©site pas plus longtemps, fait paraĂ®tre une annonce sur un site montrĂ©alais. Les rencontres vont bon train et l’amènent Ă  connaĂ®tre des femmes fort diffĂ©rentes: « De la plus naĂŻve Ă  l’intellectuelle, de la plus moche Ă  la plus sĂ©duisante, raconte-t-il en riant. Je fonctionnais Ă  l’intuition masculine. Si au bout de cinq minutes ça n’avait pas fait tilt, c’Ă©tait terminĂ©. » Les rendez-vous se suivent… et finissent par se ressembler. Cela devient presque une habitude, et pas le moindre dĂ©clic. Mais Etienne ne perd pas patience. « Cela me tranquillisait, je me laissais porter par les Ă©vĂ©nements. Je n’Ă©tais pas pressĂ©. » Sa patience sera rĂ©compensĂ©e. Un an après ses dĂ©buts dans la petite annonce lui parvient une lettre qui sort de l’ordinaire.

 

Sa correspondante ne dit pas si elle est brune ou blonde, grande ou petite, elle lui parle de choses essentielles: « J’aime beaucoup lorsque les sentiments fusent en moi… On me trouve douce, distinguĂ©e, mais c’est toujours assez difficile de parler de soi… Je suis attachĂ©e Ă  des valeurs telles que la justice, l’honnĂŞtetĂ©. » Cette missive le touche, mais ne lui Ă©vite pas de se poser tout plein de questions: « Si elle est vraiment mignonne, pourquoi rĂ©pond-elle aux petites annonces? » Une rĂ©flexion qui en dit long sur les tabous encore attachĂ©s Ă  la dĂ©marche, mĂŞme chez ceux qui la pratiquent! Etienne est d’ailleurs le premier Ă  reconnaĂ®tre l’absurditĂ© de ses craintes: sa correspondante s’est rĂ©vĂ©lĂ©e, au fil du temps, ĂŞtre cette femme douce, discrète, mignonne et curieuse de la vie qu’il recherchait. Ils ont maintenant une petite fille… qui adore jouer au train Ă©lectrique!

 

Si Etienne se fĂ©licite d’avoir mis une annonce, il ne faut pas en dĂ©duire qu’il suffit de faire de mĂŞme pour trouver chaussure Ă  son pied. Nombreux sont les déçus(es) qui se sont jurĂ© qu’on ne les y prendrait plus. En particulier ceux et celles qui recourent Ă  ce moyen pour cause de difficultĂ©s relationnelles ne doivent pas se leurrer: leur problème ne disparaĂ®tra pas d’un coup de baguette magique. Il n’en demeure pas moins que les petites annonces valent, en bien ou en mal, celles que nous offre le hasard…