Proie idĂ©ale du menteur invĂ©tĂ©rĂ©: la personne honnĂȘte et amoureuse de surcroĂźt. Celle qui, aveuglĂ©e par ses sentiments, refuse de croire Ă la trahison et va jusqu’Ă se mentir Ă elle-mĂȘme pour nier l’Ă©vidence.
Quand la confiance s’Ă©croule, ça fait mal. TrĂšs mal. Votre meilleure amie se dĂ©cide enfin Ă vous informer que, comme chacun le sait exceptĂ© vous, votre mari a une maĂźtresse attitrĂ©e.
Vous ĂȘtes cĂ©libataire et l’homme de votre vie, qui promettait depuis des annĂ©es de quitter sa femme frigide pour vous Ă©pouser, vous annonce que celle-ci attend un troisiĂšme enfant, mais que cela ne changera rien entre vous.
- Vous vous ĂȘtes endettĂ©e jusqu’au cou pour aider votre compagnon Ă sortir d’une mauvaise passe, mais vous vous rendez compte que, malgrĂ© sa prospĂ©ritĂ© retrouvĂ©e, il n’a pas la moindre intention de vous rembourser.
- Alors que vous vivez ensemble depuis trois ans, vous apprenez par hasard que votre partenaire est sĂ©ropositif. ConfrontĂ© Ă son mensonge, il avoue qu’il avait menti lors de votre rencontre de peur de vous perdre…
- Honteuse, vous vous retrouvez aux urgences pour faire recoudre votre arcade sourciliĂšre parce que votre conjoint vous a battu une Ă©niĂšme fois avant de s’exclamer, comme toujours: « C’est un accident, cela ne se produira plus jamais! »
- Il avait jurĂ© ses grands dieux qu’il avait arrĂȘtĂ© de boire. DĂ©finitivement. Hier soir vous l’avez surpris au garage en train de s’envoyer une rasade de whisky. Dites, honnĂȘtement, vous ne vous doutiez de rien? Vraiment?
Parce que son expĂ©rience de thĂ©rapeute lui a montrĂ© Ă quel point les femmes peuvent refuser de reconnaĂźtre que l’homme qu’elles aiment leur ment, Susan Forward a dĂ©cidĂ© d’analyser Ă fond cette problĂ©matique. Certes, comme elle le souligne, « tous les hommes ne sont pas des menteurs, tous les menteurs ne sont pas des hommes, et tout acte indĂ©licat n’est pas un mensonge ». Mais ce qui semble typiquement fĂ©minin, c’est la confusion entre les sentiments amoureux et le maternage. Allez savoir pourquoi, les femmes se sentent souvent le devoir de prendre leur conjoint en charge, de le comprendre Ă tout prix, de fermer les yeux sur ses frasques, tout en Ă©tant hantĂ©es par la peur de la sĂ©paration. Tant qu’elles le peuvent, elles se cachent la tĂȘte sous le sable et se nourrissent d’espoir. Jusqu’au jour oĂč la tromperie se fait si criante qu’elles ne peuvent plus l’ignorer. Elles ont alors l’impression que le ciel leur tombe sur la tĂȘte. Se demandant comment elles ont pu ĂȘtre si crĂ©dules, elles se mettent Ă passer en revue leur histoire d’amour trahi, reliant enfin tous les indices qui auraient pu et qui auraient dĂ» les alerter depuis longtemps. Pour reconnaĂźtre, le rouge au front, que le mensonge n’Ă©tait pas l’exclusivitĂ© de leur partenaire: ne se sont-elles pas menti Ă elles-mĂȘmes, par commoditĂ©? Nombre d’entre elles pensent qu’elles ne se remettront pas d’un tel dĂ©sastre et s’imaginent qu’elles ne pourront plus jamais faire confiance Ă un homme.
C’est Ă l’intention des femmes qui ne savent plus sur quel pied danser en Ă©coutant les fariboles de leur compagnon que Susan Forward a Ă©crit Quand votre conjoint vous ment (InterEditions,1999). PsychothĂ©rapeute ayant plusieurs ouvrages Ă son actif (notamment Le Chantage affectif et Les Parents toxiques), Susan Forward explore ici systĂ©matiquement le monde souterrain de la duperie oĂč s’Ă©garent tant d’Ăąmes naĂŻves. Elle prĂ©sente « tout l’Ă©ventail des mensonges, depuis le mensonge inoffensif jusqu’au mensonge qui tue », n’oubliant pas de rĂ©pertorier les diffĂ©rentes catĂ©gories de menteurs, de celui qui n’avoue jamais jusqu’Ă celui qui, par son besoin chronique de se confesser, vous incite Ă oublier et Ă pardonner.
Quel est le dénominateur commun des mensonges qui blessent et détruisent les relations humaines?
C’est la volontĂ© dĂ©libĂ©rĂ©e de tromper autrui sur des points importants. On distingue le mensonge par action (dĂ©claration inexacte et flagrante) et le mensonge par omission (dissimulation d’informations). Les « oublis » les plus frĂ©quents concernent les aventures extraconjugales, l’existence d’un enfant illĂ©gitime, les difficultĂ©s financiĂšres, un casier judiciaire chargĂ©, une maladie psychique ou sexuellement transmissible, un cas de suicide dans la famille. Quel que soit le type de mensonge, il permet au menteur d’ĂȘtre le seul Ă savoir ce qui se passe vraiment, ce qui lui donne un pouvoir sur son conjoint. Ce dernier, privĂ© d’informations importantes, ne peut prendre les dĂ©cisions adĂ©quates en connaissance de cause (« dois-je l’Ă©pouser? », « dois-je rester avec lui? », « dois-je me protĂ©ger sur le plan affectif ou financier? »).
Certains mensonges sont trĂšs subtils et ceux qui les distillent si habiles que des femmes peuvent se torturer pendant des annĂ©es en se demandant si leur compagnon les mĂšne en bateau ou si ce sont elles qui interprĂštent mal ses propos. Le mystificateur sait se montrer inventif. S’il se sent acculĂ©, il recourt volontiers au dĂ©menti ou Ă la confession. « Son objectif, Ă©crit Susan Forward, est de vous amener Ă accepter ses explications, Ă les croire, Ă reculer, Ă abandonner l’affrontement et Ă retourner au statu quo qui lui convenait pleinement. » Les techniques sont variĂ©es. Il y a celui qui se montre si catĂ©gorique, si indignĂ© qu’on mette en doute sa bonne foi, que sa partenaire finit par se sentir coupable d’avoir Ă©prouvĂ© des soupçons. Il y a celui qui, les yeux embuĂ©s de larmes, s’exclame: « Je suis tellement blessĂ© que tu puisses douter de moi! Je croyais que nous avions confiance l’un dans l’autre. Comment peux-tu penser que je ferais une chose pareille? » Merveilleux retour de situation, comme le remarque l’auteur: ce n’est plus lui qui vous blesse par ses mensonges, c’est vous qui lui faites mal en laissant votre suspicion jeter une ombre sur les bons cĂŽtĂ©s de votre relation!
Autre stratĂ©gie, celle de l’homme qui nie avoir menti: c’est vous qui n’avez pas bien vu, entendu ou interprĂ©tĂ© les Ă©vĂ©nements; vous qui inventez ou dĂ©formez les choses; vous qui ĂȘtes paranoĂŻaque; vous qui avez des rĂ©actions excessives. Ce n’est pas lui qui a un problĂšme, c’est vous. Ou ce sont des tiers qui vous ont menti, parce qu’ils essaient de dĂ©truire votre coupleâŠ
La plus habile des tactiques est sans doute la confession, Ă laquelle peu de femmes rĂ©sistent: « J’avoue. Mais c’est du passĂ© et cela ne se reproduira plus. » « J’ai tout gĂąchĂ© et je le regrette sincĂšrement. Pardonne-moi. » « Tu as entiĂšrement le droit de me dĂ©tester, mais, je t’en prie, donne-moi encore une chance. » Comment refuser l’absolution Ă l’homme de votre vie quand il affirme vouloir faire amende honorable?
Avec une femme qui n’a pas confiance en elle, rien ne vaut l’attaque frontale. Il s’agit de transformer la victime en coupable: « C’est toi qui m’as poussĂ© Ă le faire. » « Je ne te l’ai pas dit parce que tu es incapable d’affronter la vĂ©ritĂ©. » « Je ne t’en ai pas parlĂ© parce que tu es tellement Ă©motive. » « Je savais que tu ne serais pas capable de l’assumer. » « Tu deviens hystĂ©rique dĂšs qu’on aborde certains sujets. » « Si je t’ai trompĂ©e, c’est parce que tu ne penses qu’Ă ta carriĂšre. » Etc.
Mais, au fait, pourquoi le menteur ment-il? « La plupart des menteurs, remarque Susan Forward, jouent pour trois publics: vous, le monde en gĂ©nĂ©ral et eux-mĂȘmes. » Par ce biais, ils cherchent Ă protĂ©ger l’image qu’ils veulent donner d’eux-mĂȘmes ainsi que leur soif de libertĂ© et de pouvoir. Mais ils se dĂ©fendent Ă©galement contre leurs peurs. L’homme qui ment a peur que sa femme le quitte si elle apprend la vĂ©ritĂ©, peur qu’elle le domine, peur du conflit et de ses consĂ©quences. Il manque de confiance en lui et pense qu’il ne peut ĂȘtre aimĂ© pour sa vraie personnalitĂ©, d’oĂč une comĂ©die qui empĂȘche l’instauration d’une rĂ©elle intimitĂ©.
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Les menteurs pathologiques se situent dans la catĂ©gorie des pervers et se distinguent par des traits de caractĂšre communs. Impulsifs, excellents acteurs, ils sont passĂ©s maĂźtres dans l’art d’utiliser les dĂ©clarations d’amour et de fidĂ©litĂ© pour obtenir ce qu’ils veulent. DĂ©pourvus de sentiments de culpabilitĂ©, spĂ©cialistes du faux repentir et de la promesse non tenue, douĂ©s pour l’escroquerie, ils sont incapables de tirer les leçons de leurs expĂ©riences, accusent les autres de leurs propres Ă©checs, rĂ©clament de leur partenaire soutien et comprĂ©hension inconditionnels tout en rĂ©pondant Ă ses remises en cause par des accusations. Un tel personnage, affirme Susan Forward, amĂšne toujours le malheur, le chagrin, l’escroquerie et les dettes dans son sillage.
« Si votre partenaire est un menteur, note Susan Forward, vous avez beaucoup de choses en commun. Vous mentez tous les deux Ă la mĂȘme personne: vous-mĂȘme. Il n’est pas difficile de comprendre pourquoi les femmes se bercent si volontiers d’illusions quand la vĂ©ritĂ© et la confiance commencent Ă s’Ă©roder dans une relation. Vous ne voulez pas regarder en face la duplicitĂ© de votre compagnon, et pour Ă©viter cette souffrance vous recourez, comme la plupart des femmes, aux mĂȘmes dĂ©fenses que lui â et pour des raisons Ă©tonnamment semblables. Il nie pour vous dissimuler la vĂ©ritĂ©. De votre cĂŽtĂ©, vous vous servez de la dĂ©nĂ©gation pour vous cacher la vĂ©ritĂ© Ă vous-mĂȘme. Quand ses mensonges sont dĂ©couverts, il se lance dans des explications qui dĂ©fient le bon sens. Et vous faites de mĂȘme. En vous mentant, vous jouez un rĂŽle discret mais fondamental qui permet Ă votre compagnon de poursuivre ses mystifications. »
Pourquoi agissons-nous de la sorte? Nous voulons faire confiance Ă tout prix. Nous sommes convaincues de bien connaĂźtre l’homme que nous cĂŽtoyons. Comme nous sommes honnĂȘtes avec lui, nous pensons qu’il agit de mĂȘme avec nous. Nous le voyons avec les yeux du cĆur. C’est touchant, mais ce n’est pas suffisant. L’auteur nous rappelle que « sous prĂ©texte qu’il s’agit d’une affaire de cĆur, il ne faut pas cesser d’utiliser son cerveau »!