Le choix d’un(e) partenaire est affaire de tension vitale. On est forcĂ©ment tiraillĂ©s par le dĂ©sir de trouver en l’autre quelque chose de diffĂ©rent. DiffĂ©rent des autres et de soi. Et en mĂȘme temps, on cherche confusĂ©ment quelque chose qui est de l’ordre du mĂȘme, qui nous ressemble. L’amour aidant, cette pure alchimie nous fait nous exclamer: « Il (elle) Ă©tait diffĂ©rent(e). Mais d’emblĂ©e nous avons pu parler de tout (ce que nous avions en commun) ».
Tous parents, tous pareils
Au fil des ans, une telle tension sera toujours nĂ©cessaire. Que les partenaires deviennent trop semblables, trop familiers, alors ils seront des frĂšres, des jumeaux mais plus des conjoints. La tension baisse, danger. L’autre doit absolument conserver sa part « d’exotisme », sa diffĂ©rence.
La naissance des enfants est de ce point de vue redoutable. Il y a le risque de ne plus voir l’autre que comme un membre de la famille, un pĂšre ou une mĂšre des enfants. Tous parents, tous pareils. Pour les hommes par exemple, une mĂšre est une sainte, mais surtout pas quelqu’un avec qui l’on fait l’amour. Le dĂ©part de la maison des grands adolescents est une autre Ă©preuve qui recentre le couple du parental au conjugal. Tous ne le supportent pas.
Et la sexualitĂ©? D’autres Ă©cueils y guettent le couple qui a pour ambition de tenir. Une sexualitĂ© Ă©panouie est comme un cadeau, un plus, de l’ordre de la gratuitĂ©. ParticuliĂšrement pour la femme qui a d’autres certitudes biologiques que l’homme: des rĂšgles, inconfortables certes mais aussi rassurantes, des accouchements, des allaitements. En face, l’homme, dans son corps, n’a pas grand-chose d’autre Ă mettre en avant que sa crainte de la non-Ă©rection. Il sera plus tentĂ© de chercher des confirmations – de son identitĂ©, de la prĂ©sence de l’autre, de son amour, etc. – dans un acte sexuel parfois un peu compulsif.
Et puis nul dans le couple n’Ă©chappe Ă cette puissante nostalgie des origines, Ă ce fantasme du retour Ă la vie intra-utĂ©rine. A cette aspiration Ă la fusion, Ă cette envie de se perdre complĂštement dans l’autre (toujours l’ordre du mĂȘme).
ParallĂšlement, la crainte obscure d’y perdre vraiment nos limites et notre identitĂ© nous retient. Entre ces deux pĂŽles – encore la tension – se joue parfois le sort de notre orgasme. Que la femme ne se laisse pas aller (au moins momentanĂ©ment, en sachant qu’on en revient) Ă oublier un peu ses limites, et qu’elle repasse mentalement la liste des commissions, c’est fichu. Quant Ă l’homme, cette crainte peut l’envahir et le pousser Ă en finir au plus vite. Trop vite.
Adultes, une autre partie de nous fantasme encore de retrouver une parcelle de cette sĂ©duction, de cette dĂ©pendance totale du bĂ©bĂ© vis-Ă -vis de sa mĂšre. Avoir du plaisir Ă long terme, c’est savoir plonger dans une douce dĂ©pendance. Donner prise Ă l’autre, accepter d’ĂȘtre Ă sa merci. Faire connaĂźtre ses propres dĂ©sirs, tout en assumant de courir des risques.
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Les petits riens
Mais c’est le prix Ă payer pour bĂ©nĂ©ficier des avantages liĂ©s Ă la durĂ©e: une profonde complicitĂ©, un lieu oĂč se montrer tel qu’on est avec ses faiblesses (pas forcĂ©ment en survĂȘtement avachi…), oĂč rĂšgne la solidaritĂ©, la confiance. La beautĂ© des petits riens du quotidien. Les sortilĂšges de l’intimitĂ©. Un certain confort. Des enfants, peut-ĂȘtre. Une mĂ©moire, un passĂ© communs. Un systĂšme Ă fabriquer des projets, du rĂȘve et de l' »exotisme ».
On peut s’y exercer, (rĂ©)apprendre Ă voir son partenaire avec des yeux neufs, dans un nouveau milieu, en vacances, en prĂ©sence d’amis, d’un autre couple. Il y faut de l’amour et aussi une volontĂ© de durer, de s’enrichir l’un l’autre. Un dĂ©sir de se sĂ©duire une fois de plus, non de se jeter comme un objet usagĂ©.